Dans le cadre de la semaine de la petite Enfance de 2018, le pole petite enfance de mon secteur organisait plusieurs activités et atelier pour les enfants, les parents et les professionnels. Dans ce cadre là, j'ai eu la chance de pouvoir assister à une conférence donné par un psychomotricien, Mickael Coutolleau, sur les liens qui existe entre les différents "secteurs" qui composent la personnalité d"un individu, leurs rôles dans le développement de l'enfant et leurs importance dans la petite enfance.
Je vous propose donc ici, un article synthèse de cette conférence et des points clé que j'ai retenus. Si vous êtes professionnels de la petite enfance ou parents de jeunes enfants, lisez ce qui suit, cela vous éclaircira sur les comportements et le développement intellectuel de nos enfants !
Je vais d'abord vous parler des 4 domaines de la personnalité que l'on va ensuite détaillé :
- le corporel
- l'intelligence
- l'émotionnel
- les perceptions
Nous allons découvrir comment ces 4 entités qui définissent la personnalité sont intimement liées entre elles et font la globalité d'une personne.
Sachez d'abord que culturellement, il y a une dissociation du corps et de l'esprit. Le raisonnement apparaît comme dominant sur les autres aspects de la personnalité et mettant à distance nos perceptions.
On s’intéresse à ces notions de développement pluri-factoriel et de compréhension de la globalité du jeune enfant depuis une trentaine d'année seulement. Il faut savoir que dans les années 50 l'enfant était considéré comme un adulte inachevé où l'age de raison est estimé autour de 7 ans et donc qu'avant cet age, il n'a pas de vie psychique et de droit de penser par lui même.
Curieusement même dans les années 80, il arrivait de faire des opérations à des nourrissons sans anesthésie aucune car la méconnaissance de son système nerveux et de ses compétences nous amenait a penser qu'il était dénué de toute perception douloureuse ou de conscience propre.
Or, on sait maintenant (grâce notamment aux dernières avancées en matière de neurosciences) que l'enfance n'est pas un état, mais un processus complexe pour amener l'enfant a devenir un adulte raisonné, avec une personnalité structurée. L'enfant est donc en développement perpétuel, malléable à tout son environnement et ses apprentissages, et son devenir est constant.
On réduit souvent l'enfant à ses comportements ou ses réactions, on peut avoir une image figée de lui-même, pourtant la plasticité cérébrale des tout petits n'a pas d'égal à l'age adulte, le travail a temps plein de ceux-ci est de créer des connexions cérébrales pour s'adapter à son environnement, à apprendre et progresser et à faire de multiples acquisitions.
On ne peut pas dissocier l'innée (propre au patrimoine génétique) de l'acquis (lié aux apprentissages et à l'environnement). La notion de besoin est aussi fondamentale a avoir en tête dans le développement de l'enfant car il ne pourra pas être disponible pour des acquisitions si ses besoins vitaux et de sécurité ne sont pas comblés. Je vous met ci-dessous une image de la pyramide de Maslow, référence en matière de hiérarchisation des besoins de l'être humain quel qui soit.
Quand un enfant pleure, râle, est inconfortable, notre rôle est alors en priorité de s'assurer que ces besoins primaires sont assouvis. Un enfant ne peut pas être dans l’interaction sociale par exemple, s'il a faim, soif ou sommeil.
On doit garder également à l'esprit la notion de globalité et d’interaction (voir d'interférence !) des 4 domaines de la personnalité pour bien comprendre et accompagner un enfant.
1. Sensorialité
C'est le premier système fonctionnel car à la naissance le système nerveux est déjà prêt a capter, apprendre grâce aux sens. L'intégrité du système sensoriel est inné mais son adaptabilité est acquise.
Il va devoir apprendre à trier les sensations, les analyser, et savoir comment traiter l'information et quelle réaction avoir. C'est un long cheminement qui nécessite l'utilisation permanente des 9 sens dont l'on est doté (oui, oui 9 sens vous avez bien lus ;-))
La vue : Mature à 4 mois de vie, ce sens est toujours très actif car il est prépondérant à notre survie. Il focalise donc une grande partie de notre attention consciente.
L’ouïe : Mature à 24 SA. Les bébés sont extrêmement réactifs aux fréquences des voix et à la prosodie (musicalité, accent et intonation). C'est un sens extrêmement archaïque et involontaire car même lorsque l'on dort, on peut sursauter au moindre bruit fort ou suspect.
L'odorat : Mature à 12 semaines de vie. Ce sens joue un rôle mineur dans nos sociétés actuelles car éclipser par les autres sens.
Le goût : Mature vers 12 semaines de vie, important chez le bébé qui met tout à la bouche pour découvrir son monde. Plus que le goût d'ailleurs, c'est la sensibilité de la zone orale, pourvue de nombreux capteurs sensoriels, qui lui confère une grande réceptivité qui permet la figuration de la forme, des textures...
Le toucher : Mature in utéro, vers 24 SA. Nous avons 3 types de récepteurs sur la peau : thermiques, mécanique (détermine les contours, les textures...) et nociceptives (indicateur de douleurs). C'est un sens fondamental, il n'y a pas de construction psychique individuelle possible sans la perception de la délimitation interne/externe.
Sans sensorialité, pas de personnalité !
Vous allez peut être découvrir que d'autres sens existent en plus des 5 sens évoqués ci-dessus.
le système vestibulaire : Situé dans l'oreille interne, il permet la mesure de la vitesse, de l'accélération, ... Il est mature des la naissance est donne des informations cruciales pour gérer notre équilibre et nous situer dans l'espace.
la proprioception : Mature tardivement vers 8 ans. Les récepteurs sont situés dans les tendons des muscles et cela nous permet une représentation de la position de notre corps et de nos membres. (bras tendus, corps allongé...)
Pas de motricité sans Sensorialité !
Les deux derniers sens, son des sens interne, ressenti a l’intérieur de notre corps.
La viscoréception : C'est la sensibilité de nos organes internes : sensation de faim, douleurs internes, mal de tête...
La Nociception : Ce sens est assez étonnant car il est propre à chacun, il y a une hétérogénieté de la perception de la douleur. Chacun à donc ses propres limites, ses propres notion de chaud, froid, sensation douloureuse...
Cette perception est subjective et singulière car c'est le résultat d'expériences acquises, de notre vécu dans certaines situations et de notre histoire.
En quoi ces connaissances sur nos perceptions et ressentis peuvent-il nous aider à mieux accompagner et comprendre l'enfant ?
Notre rôle est de permettre à l'enfant de s'accoutumer, de filtrer et de moduler ses perceptions sensorielles. Pour cela, on peut l'aider à comprendre ces mécanismes, à ajuster sa coordination sensori-motrice afin qu'il intègre les bonnes informations et qu'il puisse régir de façon adapté toujours en accord avec son rythme personnel. A nous de lui nommer les sensations, lui indiquer la réaction a avoir dans telle ou telle situation, a appréhender son corps dans l'espace, a le laisser libre de ses mouvements, en le laissant faire ses propres expériences. (coucou, la motricité libre :D )
2. Motricité
La motricité traduit en permanence la sensorialité, l'affectivité, l'expression d'un désir, et la cognition. On compte 3 types de motricité : involontaire (très présente chez le nourrisson), réflexe (assure notre sécurité, commandé directement par la moelle épinière) et volontaire.
Cette motricité volontaire se découpe en 3 axes :
- la motricité globale : assure le maintien de la posture, assis, debout, ...
- la motricité globale : nécessairement une coordination de plusieurs gestes, comme la marche, prendre un objet...
- la motricité fine : en perpétuel développement, elle est en lien avec notre cognition. et nécessite une maîtrise de gestes plus globaux avant d’être précise.
Dans cette notion de mouvement, il est important de prendre en compte la notion de projet moteur. L'enfant fait un geste, une série de gestes car il a un objectif précis, dans ces cas là, la motricité sert l'enfant dans la réalisation de son but. Dans le projet moteur, l'enfant a envie d'élargir son espace de préhension, de déclencher un mouvement car son souhait est de se déplacer pour découvrir le monde !
Il est a distingué de l'agitation motrice, des gestes sans liens ou désynchronisé, qui n'ont pas de but précis, qui traduisent un inconfort de l'enfant ou une pathologie du système nerveux ou psychomoteur. Cela doit nous questionner.
Quel est le rôle de l'adulte accompagnant sur la motricité ?
Notre rôle est d'aider le tout petit à orienter ses besoins d'exploration sensori-motrice vers des expériences de plus en plus complexes en corrélation avec son stade de développement. On doit l'aider oui, mais attention a ne pas anticiper ses besoins, pour ne pas entraver son autonomie, ses expériences par lui même et son désir d'apprendre et de découvrir.
3. psycho-affectif
L'enfant se construit sur le principe de "mère suffisamment bonne" de Winicott grâce à notre manière d’être avec eux, notre porter, toucher et attention.
L'enfant à besoin d'un attachement profond et une sécurité affective suffisante pour s'autoriser a explorer, ressentir, découvrir. Il lui est également indispensable d'avoir confiance en lui et cela se développe avec la construction narcissique qui permet l'amour de soi et l'estime de soi. Je ne développe pas plus cette partie, elle fera l'objet d'un prochain article, il y a tellement a dire sur ce sujet !
Un autre point est essentiel dans le développement psycho-affectif, c'est la notion de désir car c'est le cœur même de la motricité volontaire. Cette notion met en ambivalence deux principes structurants mais antagonistes :
- le principe de plaisir : c'est satisfaire nos envies, pulsions, agir pour le plaisir
- le principe de réalité : qui désigne la capacité à se raisonner, à réguler et gérer les frustrations.
4. Cognitif
C'est le développement des intelligences, toujours en lien étroit avec les autres domaines : les sens, la motricité et l’émotionnel.
L'intelligence innée de l'enfant : Étonnamment, il a la connaissance intuitive des lois physiques dès la naissance (gravité, ce qui est impossible...) Le nouveau-né est également doté de compétences relationnelles innées. Il a la capacité de stimuler son environnement humain, de se faire entendre, de provoquer des interactions avec ses pairs. (si le sujet des compétences innées vous intéresse, je vous recommande vivement le livre de Marie Thirion, "les compétences du nouveau-né")
Cette une compétence décisive permettant l'établissement de relations saines et d'un développement psycho-affectif harmonieux (encore une fois tout est lié ! )
L'intelligence acquise : c'est tout les compétences que l'enfant va apprendre et travailler tout au long de sa vie et certaines sont essentielles à un développement normal comme :
- la permanence de l'objet, l'acceptation de la séparation
-la capacité d'attendre, de différer une envie
- la planification des taches, l'organisation de la pensée
- le maintien de l'attention, être capable de rester focalisé sur une tache jusqu’à son accomplissement
- la flexibilité mentale, autrement la souplesse et l'adaptabilité a une situation ou une autre
- la mémoire, essentielle pour retenir ses acquisitions.
On peut voir maintenant comme le développement cognitif et intellectuel est intrinsèquement lié aux autres domaines que j'ai cité plus haut. L' enfant doit être "disponible" pour pouvoir faire des acquisitions, la perception de son environnement, sa relation avec les autres et son affect ainsi que sa capacité a gérer son corps et sa motricité dans l'espace sont tous des facteurs rentrant en compte dans les apprentissages.
5.Conclusion
Tout se lie par le jeu !
Lorsque l'enfant joue, il entre dans une aire intermédiaire, où la réalité intervient non plus comme contrainte mais se voit remodeler en fonction de ses besoins internes, de cette illusion de "toute puissance". A nous de faire en sorte que ce jeu lui laisse l'opportunité de créer, d'inventer, d’imaginer, de vivre, d’échanger, et par ce support faire des apprentissages concrets qui lui seront indispensable pour sa vie future.
Et on termine cet article par une phrase que j'aime beaucoup de Maria Montessori :
" Le travail de l'enfant est de créer l'homme qu'il sera demain"
A très bientôt,
With Love, Manon.
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